La guerre des monnaies

Les monnaies sont parmi les plus importants et les plus anciens attributs de la souveraineté d’un État. De ce fait, leur géographie dessine les contours de sphères d’influence qui s’ancrent dans l’histoire, ainsi que dans des rapports de force dépassant de loin le cadre économique.

Blocs monétaires et sphères d’influence géostratégiques

Ainsi, les pays qui utilisent le dollar américain comme monnaie officielle (Salvador, Panama), de même que ceux qui y ont arrimé leur devise nationale (Arabie Saoudite, Oman) dessinent une carte des intérêts géostratégiques des États-Unis. L’euro bénéficie quant à lui d’une aire d’arrimage monétaire largement héritée des intérêts coloniaux français, alors qu’à l’est de l’Europe se prole l’élargissement de la zone euro, une zone d’influence allemande.

Le cas du rouble russe illustre bien ce lien entre monnaie et géopolitique. Moscou utilise en effet sa devise comme marqueur de sa zone d’influence notamment avec l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et désormais la Crimée. Dans ces régions, l’utilisation du rouble constitue le symbole de souverainetés placées sous la protection du Kremlin au nom d’une certaine vision de l’espace post-soviétique.

Pour autant, le rouble reste une monnaie assez peu utilisée dans les transactions internationales, dominées par le dollar et l’euro. C’est également le cas du yuan chinois, mais cela devrait évoluer puisqu’en deux ans seulement, le yuan est parvenu à se hisser dans le top 10 des monnaies les plus utilisées dans le commerce international. Cela révèle un certain potentiel du yuan et confirme dans le même temps le succès de la politique d’internationalisation du yuan, timidement initiée par le gouvernement chinois à partir de 2009.

Blocs monétaires et sphères d’influence géostratégiques

Blocs monétaires et sphères d’influence géostratégiques

Réserve de change : la montée en puissance de l’Asie

A la fin de l’année 2013, le volume des réserves de changes dans le monde dépasse les 11 500 milliards de dollars, presque quatre fois plus qu’il y a dix ans. Cette forte croissance est principalement due aux pays émergents, avec un bond de plus de 500 % en dix, alors que celle des pays développés a été multipliée par un peu plus de deux seulement.

La détention d’importantes réserves de change permet, entre autres, de retarder l’appréciation d’une monnaie et de la maintenir artificiellement basse pour, notamment, soutenir les exportations à l’étranger. C’est la stratégie initiée par le Japon au début des années 2000 et suivie par la plupart des pays asiatiques, au premier rang duquel figure la Chine, premier exportateur mondial et plus grand détenteur de devises étrangères du monde.

Dans ces enjeux monétaires, le dollar occupe une place à part puisqu’il est la principale monnaie de réserve. L’euro arrive loin derrière, même si l’on constate une légère progression ces dernières années.
Il est toutefois important de rappeler qu’un peu moins de la moitié des réserves de changes sont «non allouées», c’est-à-dire qu’on ignore avec précision la nature de la devise étrangère détenue par les différents pays, faute de communication transparente de la part des pays émergent. La place du dollar et de l’euro pourrait nalement être relativisée face à des monnaies concurrentes asiatiques.

réserve de change
réserve de change

L’euro face à la crise des dettes souveraines

Depuis le début de l’année 2010, la zone euro est secouée par une crise des dettes souveraines, caractérisée par un surendettement des États à des taux parfois élevés, ce qui laisse planer des doutes sérieux sur leur capacité à rembourser ces dettes et payer le montant des intérêts.

Cette crise a dressé une nouvelle carte de l’Europe coupée en deux par une diagonale nord-ouest / sud-est avec d’un côté des pays qui ne dépassent pas ou légèrement (c’est le cas de l’Allemagne et de l’Autriche) le plafond imposé par les traités européens ; et de l’autre, les pays du sud de l’Europe et l’Irlande qui se sont endettés, parfois bien au-delà du seuil autorisé.
Cette situation a provoqué une crise de confiance au sein de la zone euro, ce qui a aggravé la situation économique de certains pays déjà très endettés. C’est le cas de la Grèce dont le taux d’emprunt sur les marchés financiers a atteint 30 % au début de l’année 2012, alors qu’il était inférieur à 2% pour l’Allemagne au même moment.

Grâce à plusieurs plans de sauvetage, la dette pour l’ensemble de la zone euro commence à baisser à partir de l’année 2013, ce qui a contribué à diminuer l’ensemble des taux d’emprunt pour les pays membres ; même si des écarts substantiels persistent encore. Néanmoins, ces crises ont écorné l’image de l’euro dans un contexte monétaire très compétitif marqué par la domination du dollar américain et la montée en puissance probable du yuan chinois.

crise de la dette souveraine

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